mercredi 22 décembre 2010

samedi 11 décembre 2010

STATION 7 (2)

voici mes compagnons d'infortune:

Herr Lenz


Günther


Jens



STATION 7


Dans ce grand hôpital berlinois qu'est le "Klinikum Im Friedrichshain", la station n°7 est un petit bâtiment en brique rouge comme je les aime. Il est situé tout au fond de l'hôpital, à gauche contre le mur d'enceinte qui le sépare du parc de Friedricshain et c'est là je j'ai pris 8 jours de repos forcé. Dans ce bâtiment de la neurologie, deux sortes de patients: ceux qui penchent à gauche et ceux qui penchent à droite. J'étais de la bande de ceux qui penchent à gauche et pas peu fier de l'être. Bien content d'y être arrivé après deux jours passés aux soins semi-intensifs. Là bas, j'avais comme voisin de chambre Herr Lenz, rentré le même jour mais dans un plus sale état que moi. Il était tombé d'un coup dans ses toilettes: on ne dira jamais assez combien c'est mauvais de pousser trop fort dans ces moments-là. Il était complètement désorienté et branché de partout. Il devait avoir dans les 75 ans et voulait absolument sortir du lit. Il était donc mains liés et TOUTE la nuit s'est acharné à se libérer et sortir tout en n'ayant pas conscience d'être à l'hôpital. De temps en temps, il s'arrêtait juste le temps de dire "j'y arrive pas,aidez moi !" puis il se remettait au travail. J'ai dû dormir une heure et il m'arrivait de sonner les infirmières car Herr Lenz s'était coincé les jambes dans les barreaux du lit. Ensuite, toute la journée, ce salopard a dormi comme une souche au point que le personnel venait lui hurler dans les oreilles "Herr Lenz, réveillez vous !" afin de lui faire avaler ses médicaments. Heureusement, la deuxième nuit a été plus calme et j'ai pu un peu me reposer entre les nombreuses allées venues du personnel. Le lendemain midi, j'ai donc été envoyé dans la Station N°7. Bien que pouvant marcher, c'est une femme d'un certain âge qui m'a amené dans un fauteuil roulant dans la neige et le froid jusqu'au bâtiment: je pense que j'aurais pu la mettre dans le fauteuil tant elle soufflait la pauvre... Je me suis encore retrouvé dans une chambre à deux lits et mon voisin était un homme (Günther), lui aussi dans les 70 ans. Il me fixait dans les yeux lorsqu'il me parlait et je fixais aussi ses beaux yeux bleus, surtout pour ne pas voir les 4 dernières dents noires qui lui restaient dans la bouche. Il avait un accent Est-Berlinois a couper au couteau et autant vous dire que je ne comprenais pas grand-chose de ce qu'il me disait et pourtant, il n'arrêtait pas de me parler. J'ai quand même compris qu'il était chômeur et que lui et sa femme vivait d'aides sociales. Il était très gentil, sa vie n'avait très certainement pas été facile. Il est sorti le lendemain matin après m'avoir fait profiter toute la nuit d'un concert de pets (non odorants) et de ronflements. Entre-temps, j'avais rencontré Jens dans les couloirs, quelqu'un de très sympathique (un penche à gauche comme moi) et nous avons décidé de cohabiter dans ma chambre car celle-ci bénéficiait de deux fenêtres sur pignon au 3ème étage (voir photo). Le même âge que moi, il montait des expositions de peintures et de photographies pour de grands musées. On se respectait l'un et autre en faisant attention de ne pas empiéter sur nos intimités (très dur dans ces endroits). Lorsqu'il est parti, j'ai demandé une chambre seul car je n'avais plus envie de raconter mon histoire à nouveau ou de risquer d'avoir un maniaque de la télévision. J'en ai profité pour lire deux livres très recommandables: Patti Smith "Just Kids" et Keith Richards "Life" qui vaut beaucoup mieux que la caricature qu'en ont donné les journaux, du genre "Mick a un petit kiki". Je suis tombé sur un neuropsychologue qui parlait français et heureusement car les tests qu'il m'a fait faire dépendaient aussi de la rapidité à laquelle je répondais. Il partait ce weekend à Paris et était très content de pouvoir s'exercer dans la langue de Houellebecq avec moi: donnant donnant quoi ! Me voici de nouveau à la maison et heureux de l'être. Emmo et Viggo m'ont sauté dans les bras et je n'en demandais pas plus... LIFE