lundi 9 novembre 2009
Bornholmerstraße 1989-2009
Günter Schabowski est plutôt chafouin en ce 9 novembre 1989.
Depuis quelques semaines, lui et ses petits copains du bureau politique de la SED (Parti socialiste unifié d’Allemagne, Sozialistische Einheitspartei Deutschlands) sont sur les nerfs. Au printemps, la Hongrie a ouvert son rideau de fer et en août, Tadeusz Mazowiecki, membre de Solidarnosc, devient Premier ministre de Pologne. Des manifestations de plus en plus nombreuses et importances ont lieu dans la RDA, tout d’abord à Leipzig chaque lundi depuis le mois de septembre et le 3 octobre, 20 000 participants y défilent en silence et sans banderole.
Le 4 novembre c’est un million de personnes qui manifestent à Berlin-Est et plusieurs centaines de milliers dans les autres grandes villes de RDA.
Cinq jours plus tard, Günter Schabowski tient donc dans l’après-midi une conférence de presse retransmise en direct par la télévision du centre de presse de Berlin-Est devant un parterre de journaliste allemand mais aussi étranger.
À 18h57, vers la fin de la conférence, Schabowski lit de manière plutôt détachée une décision du conseil des ministres sur une nouvelle réglementation des voyages, dont il s'avèrera plus tard qu'elle n'était pas encore définitivement approuvée, ou, selon d'autres sources, ne devait être communiquée à la presse qu'à partir de 4h le lendemain matin, le temps d'informer les organismes concernés.
Schabowski lit un projet de décision du conseil des ministres qu'on a placé devant lui : « Les voyages privés vers l'étranger peuvent êtres autorisés sans présentation de justificatifs — motif du voyage ou lien de famille. Les autorisations seront délivrées sans retard. Une circulaire en ce sens va être bientôt diffusée. Les départements de la police populaire, responsables des visas et de l'enregistrement du domicile sont mandatés pour accorder sans délai des autorisations permanentes de voyage, sans que les conditions actuellement en vigueur n'aient à être remplies. Les voyages y compris à durée permanente peuvent se faire à tout poste frontière avec la RFA. »
Question d'un journaliste : « Quand ceci entre-t-il en vigueur ? »
Schabowski, feuilletant ses notes : « Autant que je sache, immédiatement. »
Grâce aux annonces des radios et télévisions de RFA et de Berlin-Ouest, intitulées : « Le Mur est ouvert ! », plusieurs milliers de Berlinois de l'Est se pressent aux points de passage et exigent de passer. À ce moment, ni les troupes frontalières, ni même les fonctionnaires du ministère chargé de la Sécurité d'État, responsables du contrôle des visas n'avaient été informés. Sans ordre concret ni consigne mais sous la pression de la foule, le point de passage de la Bornholmer Straße est ouvert peu après 23h, suivi d'autres points de passage tant à Berlin qu'à la frontière avec la RFA. Beaucoup assistent en direct à la télévision dès cette nuit du 9 novembre et se mettent en chemin.
C'est ainsi que le mur de Berlin tombe dans la nuit du jeudi 9 au vendredi 10 novembre 1989, après plus de 28 années d'existence. Cet événement a été appelé dans l'histoire de l'Allemagne die Wende (« le tournant »).
Nous croisons Alex et moi chaque matin de la semaine la Bornholmer Straße pour amener Emmo à la crèche et Viggo chez la nourrice.
Notre ami Stefan R. et Martina E.,la nourrice d’Emmo et de Viggo, font partie des berlinois de l’Est qui ont franchi le point de passage de Bornholmer Straße cette nuit-là. Ils sont allés flâner dans Berlin-Ouest, buvant une bière avant de rentrer chez eux. Dans cette partie de Berlin, le passage de l’Est à l’Ouest n’était pas franchement magique puisque l’on se retrouvait dans le quartier ouvrier de Wedding : rien à voir avec Check Point Charlie immortalisé dans de nombreux films et photographies.
Il reste qu’il a été le premier point de passage cette nuit-là et les premières personnes qui l’ont franchi n’étaient pas sûr de pouvoir rentrer chez eux plus tard, un tampon sur leur passeport indiquant « retour en RDA interdite ». L’attrait de la liberté était plus fort que tout.
Le lieu de passage est maintenant à l’abandon et juste une plaque très discrète rend compte de l’évènement. Il est question d’y ouvrir un musée.
Sources :
Stefan R.
Martina E.
Spiegel TV « 9. November’89 : Das Protokoll eines historischen Versehens »
Wikipedia
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2 commentaires:
Dans un des nombreux reportages que l'on entend en ce moment, j'ai entendu parler d'un graph sur le mur qui disait " Le dernier qui sort éteint la lumière!"
Bornholmer Straße, un nom que je découvre et une histoire beaucoup plus intéressante que les multiples reportages qui ne nous ont effectivement laissé que le nom de Check Point Charlie en tête. Belles images de fin.
A lire, par curiosité, à propos de chafouin, la comique chronique de François Rollin diffusée sur France Culture: http://sites.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/rollin/fiche.php?diffusion_id=37992
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